
Ecce Homo :
Peu importe l’endroit où se trouve le spectateur lorsqu’il est confronté visuellement aux productions de l’artiste peintre Jazzu, il a soudainement l’impression d’être parachuté dans une sphère spatio-temporelle et de faire partie de cette bande de jeunes adolescents découvrant les peintures rupestres des grottes de Lascaux. Les créations de cet artiste baroudeur sont riches, denses, signifiantes à la manière de l’expression écrite des premiers hommes. De manière libre et fusionnelle, l’artiste transfigure sur la toile les ressentis de sa condition humaine. On y voit des visages, des corps de femmes et d’hommes, des animaux, des symboles, des mots, des lettres, des chiffres. Dans les peintures de Jazzu – à la manière de Champollion découvrant les hiéroglyphes – le commun des mortels scrute avec réminiscence ces éléments leurs permettant de construire leurs propres mythologies. Les écritures calligraphiées, les variations des tracés, les marques de main, les gribouillis, l’utilisation d’une palette de couleurs diversifiées et les symboles réunis par l’artiste convoquent la sensibilité d’une mémoire collective. Certains peuvent y voir des références à l’histoire – celle historique mais aussi artistique, des allusions à l’actualité contemporaine comme d’autres peuvent y projeter leurs histoires personnelles. Cette peinture libre, brute, spontanée, en plus d’être l’héritière des peintures rupestres des premiers hommes, peut également être vue comme un hommage au style de l’art urbain, celui : du graff, des tags, du street-art, des cris insoumis et révolutionnaires, des actions insubordonnées. Jazzu s’empare de la toile comme un graffeur de son mur. Il marque son territoire, il immortalise son idéologie et ses prises de position. Il rend visible son ressenti face au monde de manière anarchique et onirique.
L’esthétique des toiles se caractérise par une volonté de « all-over », le sujet de la peinture semble s’extraire des carcans du tableau, continuer au-delà des limites du châssis dans le hors-champs. Cette technique dynamise et rend vivante les productions de l’artiste dont la cadence semble rythmée par les aléas, les imprévus et les débordements de nos quotidiens. A l’instar de son homologue Basquiat, les toiles de Jazzu sont de différents formats, la tradition de la perspective et de la profondeur est bafouée au profit d’une expérimentation plane du sujet central de la peinture, la griffe du dessin est rapide, impulsive, émancipée, variée et les thèmes sont inspirés par les aspects véraces et voraces de la vie. Jazzu est un de ces artistes modernes dont la soi-disant simplicité à user de la peinture comme exutoire continue de faire rêver.